Bonjour,
Je suis un ancien élève du Lycée Mater Dei, ayant terminé mes études secondaires en 2013-2014. Pendant celles-ci, les langues anciennes ont constitué une partie essentielle des mes options, puisque j’ai suivi le cours de Latin tout au long des six années d’étude, et le cours de Grec de la deuxième à la quatrième secondaire. Je me permettrai de préciser avoir uniquement renoncé au Grec car il n’était pas possible de combiner l’option avec celle des sciences poussées. J’ai par la suite suivi les études de Médecine, et suis entré en formation pour devenir Pédiatre. Actuellement, j’ai mis cette formation en suspens pour quatre ans afin de réaliser une thèse de doctorat en Sciences Médicales.
Il est de mon intime conviction que l’étude des langues anciennes a été un élément essentiel qui m’a permis de réaliser ce parcours, et ce, pour trois compétences qu’elles m’ont apprises : une maîtrise supplémentaire de la langue Française, une structuration de la pensée, du discours et de l’écrit, et une ouverture d’esprit à l’apprentissage d’autres langues et cultures.
Si c’est bel et bien en cours de Français que j’ai appris à parler la langue, ce n’est que grâce à l’étude des langues anciennes que j’ai véritablement compris le Français. Et la nuance est importante. En cours de Français, depuis les primaires, les règles d’orthographe, de grammaire et de conjugaison nous sont apprises et nous veillons à les appliquer religieusement, et, si je puis me permettre, bêtement. C’est au cours de Latin et de Grec que j’ai véritablement appris à décortiquer une phrase, à comprendre que chaque mot au sein de celle-ci devait avoir une fonction précise et que cette fonction influençait la manière dont il était écrit. Or c’est bel et bien cela qui donne tout son sens à toutes ces règles qui nous paraissent si abstraites et inutiles. Un mot doit être écrit d’une certaine façon car cette façon particulière nous informe sur la fonction de ce mot. Une phrase doit se construire d’une certaine manière car aussi non les idées qu’elle véhicule se mélangent et se perdent. Et ce niveau de compréhension de la langue s’étend également aux mots eux-mêmes. Par l’étude du vocabulaire latin et grec, et celle de l’étymologie qui en découle naturellement, nous accédons à un autre niveau de compréhension de mots que nous employons quotidiennement et nous saisissons enfin les subtiles distinctions qui existent entre leurs synonymes, mais nous acquérons également une compréhension innée de nouveaux mots plus complexes. S’il est bien une chose dont je peux attester, c’est qu’avoir pris l’habitude d’analyser et de décortiquer tout nouveau mot m’a été d’une immense aide pour comprendre et retenir l’immense vocabulaire scientifique et médical auquel j’ai été confronté. Pour conclure par une analogie, je dirais que bien que le cours de Français nous apprenne à jouer correctement de nos notes de musique, c’est le Latin et le Grec qui nous pousse à composer nos propres partitions.
Dans le précédent paragraphe, j’ai déjà abordé comment les langues anciennes nous apprennent à décortiquer tous les mots qui nous sont présentés. Mais cette tournure d’esprit apprise par ces cours s’étend bien au-delà de cela. L’exercice de la version, qui est propre à ces deux cours, nous apprends à analyser avec rigueur des phrases, puis des textes entiers. Chaque mot doit être étudié et toutes les places qu’il peut éventuellement prendre au sein de la phrase se doivent d’être envisagées. La phrase en langue ancienne se présente comme une énigme et c’est véritablement ce cours qui nous apprend à l’aborder et, in fine, la résoudre. Cette rigueur et ce systématisme forme notre esprit et nous permet d’appliquer ces mêmes compétences dans tous les problèmes que nous rencontrerons par la suite. Je suis intimement persuadé qu’une grande partie des étudiants qui échouent à l’Université ou en Haute Ecole, n’échouent pas par manque de volonté ou de connaissances, mais parce qu’ils ne sont pas capable d’organiser leurs réponses de manière à ce que celles-ci soient cohérentes et facilement compréhensibles par le correcteur, et parce qu’ils n’ont pas suffisamment l’habitude d’analyser une phrase que pour correctement comprendre les subtilités d’une consigne ou d’un QCM, méthode d’évaluation qui prévaut aujourd’hui dans le supérieur. Personne ne remettrait en question que les mathématiques forment l’esprit et qu’elles permettent d’aborder la physique et la chimie de manière plus rigoureuse et rationnelle. Je suis d’avis que les langues anciennes sont au Français, ce que les mathématiques sont aux sciences.
Nous vivons aujourd’hui dans un monde plus multiculturel et varié que jamais. Or, force est de constater que peu de cours d’humanité nous ouvrent à d’autres cultures et d’autres langues. Et c’est pourtant exactement ce que le Latin et le Grec font. A travers l’étude de la langue et des textes de l’Antiquité, c’est toute une nouvelle culture que nous découvrons. Ces cours nous ouvrent à des religions différentes des nôtres, des coutumes, des habitudes, des valeurs qui nous sont étrangères. Et par le détachement que les siècles qui nous séparent de cet « autre » nous apporte, nous les abordons de manière sereine et ouverte. L’argument peut paraître étrange quant on sait que l’étude de nos ancêtres à parfois été détournée par des courants plus nationalistes, mais je crois au contraire que celle-ci appelle à une ouverture plus qu’à un repli sur soi.
Les études secondaires ont ceci de particulier qu’elles ne s’adressent ni à des enfants, ni à des adultes. De leur 12 à leur 18 ans, de leur première à leur sixième humanité, les élèves naviguent de ce premier statut vers le second et c’est pendant ce voyage qu’ils doivent trouver et structurer leur esprit et leur identité. Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, je pense que les cours de langues anciennes sont le meilleur compagnon que les élèves puissent trouver pendant ces années, et ce n’est pas pour rien qu’il s’agit des seules nouvelles disciplines introduites après les primaires.
Vous remarquerez également que tout au long de ce texte, j’ai évité d’employer le terme « langue morte ». En effet, selon moi, c’est le jour où ces langues ne seront plus enseignées qu’elles mourront véritablement. Et c’est ce même jour qu’elles emporteront avec elles dans leur tombe toute la beauté et la subtilité de la langue française et toute l’élaboration et la finesse de l’esprit que des siècles de penseurs grecs et latins avaient pris soin de construire.
G. d. B.
Année de rhéto : 2013-2014
Options suivies : Grec 3 ans, Latin 6 ans
Etudes : Médecine
Occupation actuelle : assistant en Pédiatrie/doctorant
Je suis aujourd’hui en quatrième année de médecine et ai pourtant suivi les cours de latin et de grec durant l’entièreté de mes humanités générales à Mater dei. Un choix, parfois perçu comme quelque peu énigmatique, que je le referais pourtant sans hésiter, tant les langues anciennes m’ont apporté durant ma scolarité. L’étude des langues anciennes m’a apporté une culture et une ouverture d’esprit que je n’ai pu retrouver nulle part ailleurs. Les sociétés occidentales telles que nous les connaissons aujourd’hui sont ancrées dans les valeurs, messages, mythes, coutumes et légendes qui ont pris place au sein des civilisations latines et grecques. Ainsi, les parallèles avec notre époque sont constants et une grande partie de mon esprit critique concernant les phénomènes de société actuels s’est construite grâce à aux cours de langues anciennes. Les études de médecine, pour ne citer qu’elles, n’ont fait que plébisciter les cours d’humanités, au sein premier du terme, depuis maintenant un siècle. Il est aujourd’hui admis que la science ne suffit pas à la pratique d’une médecine de qualité et que la formation humaine est tout aussi importante. Le latin et le grec constituent ainsi une ouverture exceptionnelle à l’ensemble des sciences humains et sociales, qui en plus d’être indispensables à la pratique de nombreux métiers font le terreau d’une société instruite, tolérante et harmonieuse. Le latin et le grec m’ont également permis de considérablement développer ma maîtrise de la langue française. Que ça soit à travers l’analyse rigoureuse de la structure des phrases et textes, la recherche d’une traduction la plus fidèle possible, l’utilisation d’un vocabulaire adéquat et varié ou encore par le décorticage de la signification d’innombrables mots que nous utilisons aujourd’hui. De bonnes connaissances grammaticales et littéraires constituent un atout évident dans l’accomplissement de n’importe quelle formation théorique. Il existe d’ailleurs, pour l’anecdote, peu de moyen plus simple de retenir les noms alambiqués des maladies que d’en connaitre l’origine étymologique. Au-delà de ces apports assez pragmatiques et tangibles, je suis intiment convaincu que l’étude des langues anciennes m’a ouvert à un type de réflexion assez unique et particulièrement stimulant. Finalement, la version n’a rien à envier aux problèmes mathématiques tant plébiscités. Il s’agit de procéder à une fouille minutieuse pour rassembler les indices, les relier entre eux de façon à leur donner sens et interpréter le tableau final pour se rapprocher le plus possible du message originel. La démarche diagnostique, que les facultés de médecine s’escriment à enseigner au fil de nombreuses heures de cours est exactement identique : une anamnèse fouillée et un examen clinique pour mettre en évidence les différents éléments, une réflexion pour leur donner un sens commun, et une interprétation pour résoudre l’énigme et poser le bon diagnostic. En somme, le latin et le grec m’ont appris à réfléchir et m’ont, peut-être, préparé plus que n’importe quel autre cours à l’exercice de l’art médical. En somme, je dirais que les langues anciennes, dans mon parcours, ne m’ont jamais semblé dépassées ou obsolètes. Elles m’ont enrichi de savoirs et de savoirs faire qui me sont utiles, tant dans mes études que dans ma vie personnelle. Les imposer n’aurait probablement pas de sens, mais les promouvoir me semble plus qu’essentiel. Outre ce qu’elles transmettent, les langues anciennes et leur étude m’ont donné le goût du détail, de la rigueur, de la pensée critique et m’ont appris à apprendre. N’est-ce finalement pas le fondement principal de l’Ecole ?
V. P.